Wednesday, December 27, 2023

 To Reem* – Martyred Palestinian Little Girl


Reem, you are not dead. You are in another world as peaceful as your dreams, gentle as your eyes, with thousands other Palestinian children, killed by monsters. You are having fun, laughing, and you have wings, magnificent wings. You fly far, far up in the sky, and you are happy, not with the transient kind of happiness, but of the eternal kind, that is bestowed upon martyrs. For you, Reem, are a martyr.


Reem, you are not dead. Those who have lost their humanity, those who say that you are animals, while they are even lesser than animals, have tried to kill you, the human. But the human cannot be obliterated, s/he is indestructible as s/he is made of the light of innocence, of childish giddiness, of the journey of love and generosity. S/he is the repository of genuine faith.


In trying to destroy the humanity in you, they have in fact annihilated theirs. 


Who are these creatures, Reem?


They lie as they breathe. They butcher your people as well as theirs. Every day, they push the limits of the inhumane.


Who are these creatures, Reem?


Tell me what they are.


Are they made of flesh or shadows?


Your humaneness will perdure Reem, as a star that will shine its brightest during these blood-soaked nights.


Reem, you are not dead. But those who are alive are dead. They breathe, eat, drink, they believe that they are alive, but they no longer are. Those who bomb children, who spew hateful speech, who support your People’s genocide, who celebrate your death, who remain quiet, who find excuses for barbarity, who torture your supporters; the powerful in their huge palaces, the subservient in the kingdoms of cowardice, liars, hypocrites, traitors, they are all dead.


They are hollow, abysses, precipices. Dead during their lifetime. 


But you, Reem, are not.


Reem, you are not dead. For you live in the land of your ancestors. They have used half-baked pretexts to steal your land. They have colonised it and built flats, towers, military infrastructure, monuments of their transient glory. They are powerful, possess weapons, they are supported by the powers that be, thousands of propaganda puppets, and, today, they want to annihilate the very last of your people. However, they lack one kind of power, the only power that matters: that of love. Love of the land which comes not from hate, ethnic superiority, racism, deadly nationalism, bloodlust and genocide, but that love which is founded on sharing, irrespective of who one may be, whose faith is in love. 


Reem, you are not dead. Your light forever glows across these lands. 


And, one day, your people will return by the force of faith and love. It is only a question of time.


Reem, you are not dead. You live in us, in the folds of our breath. We, who are capable of next to nothing, who possess neither your courage nor your bravery, who are at the school of life, your life, and who have in you, Reem and your people, such heroic teachers. You have taught us the essence of life: gratitude, courage, humanity, humour, resilience and, above all, this faith that teaches us that we are but mere mortals, that everything has a purpose, that we need to die before our death so that we can be immersed in divine light. 


Each moment is a miracle, and a blessing bestowed by the One who has created us.


Your teachings will never be forgotten.


Reem, you are not dead.


And one day, Reem, we will meet, in that place, as peaceful as your dreams, gentle as your eyes. And we will fly far, far up in the sky with thousands other Palestinian children.


Reem, you are not dead. You live. You are the heart that fuels the roars of revolution and liberation. 


Palestine will be free and it will free the world. It will liberate us. It has already liberated us.


Free, finally free.


Reem, you are not dead. You are not. You are the promise of our afterlife. Reem.


Umar Timol


Translated from French by Saffiyah Chady Edoo


*https://www.middleeastmonitor.com/20231126-grandfather-in-gaza-laments-no-birthday-without-reem/


Wednesday, December 13, 2023

 Gaza, La Mecque, terres de l'amour, terres assiégées

On ne peut s'éveiller au sens profond de l'amour qu'en étant d'abord amoureux. Celui qui ignore qu'il est capable d'amour, que sa chair en est le refuge, ne peut vivre ni éprouver les plénitudes de l'amour. C'est la disponibilité à l'amour qui rend l'amour possible.

Au bout du cheminement du pèlerin, lorsqu'il est saisi par la vision de la Kaaba, il ressent un amour absolu. Alors, tout s'efface : les strates de son être, son passé et son devenir, son enracinement dans la matière, les élans contraires de son corps et de son âme, ses angoisses, ses peurs de même que ses exultations. Tout se dissipe et ne demeure que l'amour. Mais l'intensité de cet amour dépend de l'amour préalable. L'amour consumera celui consumé par l'amour. L'amour affranchira celui qui vagabonde sur ses sentiers. Mais au bout du compte, quelle que soit sa forme, sa puissance, il fera de l'être un amoureux, pour certains, le 'nafs' (l'ego) dissous entièrement, pour d'autres le nafs en voie de dissolution.

La vision de la Kaaba est celle de l'amour, et tout pèlerin est un amoureux.

Mais cet amour ne peut être que dans un espace de la sacralité. Hors de cet espace, celui du monde, il est incapable de régner. La logique du monde est autre, elle obéit aux injonctions d'une crasse matière.

À plus de mille kilomètres de La Mecque, du Haram Sharif*, et de la Kaaba, se trouve un autre espace sacré, Gaza. Le sacré nous dépouille constamment du superficiel, des drames de l'inutile et nous ramène à l'essentiel. Il est une œuvre de la nudité. Dans l'espace de la sacralité, on ne joue plus, on ne prétend plus, on ne revêt plus de masques, pour les autres et pour soi-même, nous communions enfin avec la substance de notre être. Et Gaza, aujourd'hui, lynché, génocidé, nous propose non le spectacle de la déchéance humaine, vengeresse, haineuse, mais celui de l'humain à son paroxysme, de véritables êtres de lumière. Face à la violence des puissants, corps brisés, décharnés, amputés, enfants assassinés, des centaines, des milliers d'enfants, les martyrs proclament leur foi en Dieu. En toute sérénité. Hors pratiquement de la souffrance. La plénitude d'un amour absolu qui est consubstantiel à la foi.

Il y a donc un lien cosmique entre La Mecque et Gaza. Ce sont des niches de lumière dans un monde gangrené par les ombres. Cette lumière vacille, elle est précaire, elle pourrait se dissiper mais elle demeure car elle est un champ de potentialités, la forge d'un autre destin.

L'être qui se prosterne devant la Kaaba et l'être qui enlace une dernière fois son enfant sont semblables, l'être revêtu de l'Ihram, vêtement de son dénuement, dans un lieu où il n'y a ni races, ni couleurs, ni ethnies et qui tourne autour de la Kaaba et l'être qui revêt son enfant d'un linceul tout en disant paisiblement sa foi sont semblables car ils assermentent la trajectoire d'un idéal de foi et d'amour.

Mais cet amour est assiégé.

Vendredi 1er décembre. Reprise du génocide à Gaza. Prière du vendredi, Jummah, la plus importante, dans le Haram Sharif. Alors que devrait s'élever ici un cri de libération pour la Palestine, règne un silence assourdissant et complice.

Pendant ce temps à Gaza, des bombes pleuvent sur des maisons, des hôpitaux, des écoles, elles tuent des enfants, des femmes, des journalistes, des enseignants, des poètes, elles tuent les rêves et la fabrique de l'humain.

Quelques jours plus tôt, un policier arrache brutalement le keffieh d'un homme alors qu'il était sur le point d'entrer dans le Haram Sharif. On musèle tout ce qui évoque de près ou de loin la Palestine.

Pendant ce temps à Gaza, on anéantit toutes les traces d'un peuple, les bibliothèques pour taire la mémoire, les universités pour taire le savoir, les écoles pour taire le devenir, les enfants pour taire la beauté.

Et le Haram Sharif ressemble à un îlot isolé, entouré par des gratte-ciels, parmi le monstrueux Clock Tower, qui le surplombe, prêt vraisemblablement à le dévorer. Et comble de l'ironie, cette tour et non la Kaaba est visible de la caverne Hira, le lieu où le prophète a eu la révélation. Le prophète aurait vu aujourd'hui vu cette tour.

Pendant ce temps à Gaza, on enfouit dans les terres palestiniennes les drapeaux de l'oppresseur, on y construira des hôtels, des centres commerciaux, on érigera les symboles du colonialisme et du capitalisme. On façonnera le visage aride et cupide du colon dans les terres ensanglantées de la Palestine.

La Mecque et Gaza, ces terres utopiques, ces terres de l'amour, sont ainsi les symboles du désarroi des musulmans. La soumission à la domination coloniale, la domination abjecte et violente, le génocide des Palestiniens signifient l'impuissance de l'Ummah.

Mais ils sont aussi les symboles de l'espoir. 

La pureté, la sacralité au cœur d'un monde défait, corrompu et vide. Ainsi La Mecque et Gaza  énoncent les pluralités de l'infini, du Créateur, ils disent les possibilités de l'amour. Il est temps de répandre la lumière présente dans le monde . Il nous appartient d'édifier cette oeuvre.

Que ces terres assiégées deviennent des terres libérées, que cet amour s'étende et se déploie dans chaque recoin de la Terre.

Umar Timol

** Mosquée qui abrite en son centre la Kaaba.

Photos : Umar Timol